Pour une information de qualité
L'information internationale
 
L'information en générale et l'information internationale en particulier ne sont pas des produits médiatiques comme les autres; elles sont au coeur même du discours sur la démocratie et sur la raison d'être des médias dans les démocraties contemporaines. Rappelons que les démocraties occidentales se sont édifiées sur la conviction que l'information est l'une de leurs valeurs fondatrices. Elle représente une conquête de l'humanité et son importance est liée au progrès de la technoscience, à l'expansion et à la consolidation des marchés et à l'idée de l'État-nation à partir du quinzième siècle. La valeur de l'information se rattache aussi à la courte histoire de la rationalité occidentale. Sa force de pénétration et de séduction viennent d'une évidence ( que la réalité peut être connue) et d'une exigence sociale qui fera son chemin : la transparence dans les affaires publiques.
 
Dès leur apparition, les institutions démocratiques vont faire de l'information et de la liberté d'informer l'une des composantes de la citoyenneté. Ainsi, la conception libérale de la démocratie repose sur la certitude que les informations que les citoyens reçoivent et maîtrisent non seulement les aident à mieux gérer leur vie et leur environnement quotidien, mais leur donnent prise sur le fonctionnement des structures politiques et économiques. La notion politique d'un État de droit, si chère à l'Occident, implique à son tour que la liberté d'expression, si nécessaire à la circulation de l'information, est un prérequis à son établissement. La théorie occidentale de l'information est donc étroitement liée à un certain nombre de valeurs qui lui sont propres : liberté et égalité des individus, laïcité, existence de contre-pouvoirs, élections libres et pluralistes, légalité et droits de l'opposition politique. Selon cette conception, « l'information n'est pas une finalité en soi, mais le moyen par lequel le peuple, seul fondement de la souveraineté démocratique, accède à la connaissance du monde nécessaire à l'exercice de cette souveraineté » (Wolton, 1991 : 163 ).
 
En deux siècles, l'idéal d'une information pluraliste a été partagé par des secteurs de plus en plus larges de la société. Son acceptation de plus en plus répandue va contribuer de manière décisive à la consolidation du système démocratique pluraliste qui l'a produit et qui l'utilise. Elle occupera ainsi une place de plus en plus centrale dans l'univers symbolique des sociétés qui, malgré leur divisions internes, réussissent à imposer la notion de citoyenneté. L'information à l'occidentale, de par son utilité pratique de réduction d'incertitudes existentielles et de gestion des crises, sera intimement liée aux développements des démocraties capitalistes et l'un de ses idéaux les plus consensuels.
 
La mise en place de moyens techniques pour la circulation de plus en plus efficace et rapide de l'information a alimenté plusieurs idéologies et utopies. Les rationalismes (humaniste et libéral confondus) l'ont toujours considérée comme essentielle à toute action humaine. Ainsi, les saint-simoniens la voyaient circuler par des réseaux de communication réalisant ainsi « le premier pas vers l'association universelle » (Musso et Rallet, 1995 : 207).
 
Cependant, le discours sur l'information comme l'une des valeurs fondatrices de la démocratie a surtout été tenu par les organisations de presse et leurs journalistes qui se sont donné pour tâche de rendre l'information plus accessible et d'en assurer la plus large diffusion. La respectabilité sociale des médias découle fondamentalement de la légitimité que leur donne ce travail de mise en forme de l'information, qui se réclame du même coup « d'une quête de la vérité ».
 
Dans les sociétés occidentales, la liberté d'information a été l'un des critères utilisés pour évaluer les vertus de tout système politique. Liberté de presse et de circulation seront considérées comme des antidotes naturels au contrôle et à la manipulation de l'information. La liberté individuelle et l'accès sans entraves à une information pluraliste dans les médias sont autant de barrières à la manipulation des consciences par tout pouvoir « détenteur » de vérités.
 
 
La triade information-vérité-démocratie est devenue un dispositif essentiel pour la formation d'une opinion publique citoyenne. À côté des pouvoirs exécutif, législatif et judiciaire, définis par Montesquieu, il y aura ce quatrième pouvoir de l'information, celui de la presse écrite et de l'audiovisuel, qui assumera la tâche de surveiller le bon fonctionnement du mécanisme du contrepoids qui doit réguler cette division tripartite du pouvoir. Cette expression de « quatrième pouvoir » contribuera à donner cette légitimité tant recherchée par les entreprises de presse et leur conférera le statut de « chiens de garde de la démocratie ». Albert Roy résume bien cette conquête de la presse :
 
« l'information, soumise, pluralisme oblige, aux règles libérales, elle les conteste fondamentalement puisque sa légitimité repose davantage sur sa valeur que sur son succès. Critère essentiel de la démocratie elle a pour rôle de l'aiguillonner, de la critiquer de ne jamais la laisser en repos, au risque parfois de la déstabiliser [...] Instrument privilégié du libre choix des citoyens, elle doit néanmoins savoir les bousculer, et même leur déplaire. » (Roy, 1992 : 233)
 
Les citoyens aussi se sont rendu compte à leurs dépens que l'information « fut de tout temps un moyen de gouvernement (et d'enrichissement). Tout gouvernant se doit d'être le premier informé, pour être en mesure de répercuter, ou non, l'information sur le gouverné » (Debray, 1993 : 101).
 
L'information internationale
 
Dans nos sociétés très médiatisées, l'information internationale produite par les médias est la représentation du monde, de ses enjeux et de ses acteurs, qui nous est le plus facilement accessible. Les citoyens sont dépendants des médias pour se représenter cette réalité internationale. Celle-ci est composée non seulement des événements qui se passent ailleurs (Cohen, Adoni, et Bantz, 1991), mais aussi de leur histoire, de leur contexte et de leurs facteurs d'explication qui sont hors de la portée de l'expérience quotidienne immédiate de la majorité des citoyens. Informer avec véracité des citoyens vivant dans d'autres sociétés, dans d'autres cultures, sur des événements en soi complexes, demeure un des défis principaux de l'information internationale.
 
De fait, l'information internationale contribue à former une opinion publique nationale sur des événements internationaux, transnationaux ou mondiaux. L'information internationale devrait donc, en principe, aider les citoyens soit à comprendre les enjeux internationaux, soit à se construire une représentation la plus fidèle possible des enjeux culturels, politiques, économiques et sociaux qui s'engagent ailleurs, ainsi que de leur impact sur leur milieu.
 
Analyser l'information internationale c'est mettre en relief le fondement de tout processus démocratique, qui exige que tous les citoyens disposent de l'information nécessaire pour participer au débat sur la politique internationale de leur pays, en plus de pouvoir évaluer l'impact des événements qui surviennent dans tous les coins du globe sur leurs vies et sur l'avenir de la planète.
 
La question de fond est celle de l'importance de l'information internationale considérée comme une valeur stratégique pour l'ensemble des institutions politiques et pour les individus. En somme, ce qui est en jeu dans nos sociétés médiatisées, c'est l'information de type démocratique : « celle qui recueille et diffuse des faits et des idées, cela afin d'établir des vérités alimentant le débat social et politique. Celle dont son espace est celui de la démocratie » (Tixier-Guichard et Chaize, 1995 : 33).
 
La qualité de l'information, c'est-à-dire sa véracité et son traitement approfondi des faits et des événements est devenue un enjeu de société dans notre contexte actuel. Les caractéristiques d'une bonne information internationale sont celles qui favorisent la bonne compréhension des événements internationaux et surtout des conflits qui occupent une si grande place. Pour cela il devient nécessaire « d'en connaître les origines, les tenants et les aboutissants, les acteurs du devant de la scène et ceux de l'ombre, donc d'en décrypter ou décoder les histoires » (Sciences humaines n°65 : 37). Ces connaissances auxquelles le chercheur ou l'expert arrive par sa formation, et le journaliste par sa pratique et son contact avec les actualités, le citoyen devrait pouvoir y arriver par les médias et par le travail de leurs journalistes; un travail de médiation professionnelle, d'explication, de mise en contexte et de mise en valeur des faits et des événements. Travail de recherche de la vérité, de mise en lumière des jeux de pouvoirs et des raisons d'États qui se cachent souvent derrière les stratégies des acteurs de la scène internationale.
 
Dans une planète où les distances sont abattues, traversée de plus en plus par les logiques des mondialisations, la valeur qu'acquiert l'information internationale dans l'espace public est évidente. Elle contribue à donner aux citoyens une vision d'ensemble qui leur permet de comprendre les interrelations et la juste dimension des enjeux locaux, nationaux et internationaux.
 
 
Leopoldo Lavin
Département de philosophie, Collège de Limoilou

| Retour Infolatine | Chili | Argentine | Méxique | Mercosur | Générale | Actualité | Économique | Nos services |